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Plan de continuité du ministère : on rêve, on imagine

Lecture : 4 min.

Le protocole sanitaire est prêt … Simple à mettre en oeuvre … Au cas où la crise sanitaire évolue, le ministère a tout prévu : il a déjà déployé son plan de continuité pédagogique disponible sur eduscol.education.fr .

Doctrine sanitaire et doctrine pédagogique donc …

Ce plan de continuité ne traite pas des modalités d’organisation de la rentrée scolaire dans des conditions sanitaires normales.

Deux hypothèses sont envisagées :
Hypothèse 1 : circulation active du virus, localisée, nécessitant la remise en vigueur d’un protocole sanitaire strict.
Hypothèse 2 : circulation très active du virus, localisée, nécessitant la fermeture des écoles, collèges et lycées sur une zone géographique déterminée.

eduscol.

On remarque que pour le ministère, le protocole sanitaire actuel (juillet 2020) était prévu donc pour des conditions sanitaires normales. Quelle anticipation … Début juillet, pour les rédacteurs, la crise était finie ?

Alors ce plan de continuité pédagogique prêt depuis Juillet … Que dit-il ?

Hypothèse 1 :

un protocole strict … lequel ? pas de précisions … on attendra.
Quelle doctrine sanitaire dans ce cas : (fiche 1.1) ?
– on informe (ça mange pas de pain, et c’est toujours utile)
– on compte les troupes … on valide avec le médecin de prévention (2 pour tous le département du 93) qui aménage les postes de travail ; on ne parlera pas de médecine du travail. Du travail en perspective.
– protocole sanitaire avec les mairies (comme en mai 2020 donc)


Quelle doctrine pédagogique ?
les mails des parents ; identification des fragilités des élèves (apprentissages, usage du numérique, santé) ; on compte les absents, on signale …
Bon OK, une première check-list et donc ?
Vite les autres fiches …
Les locaux scolaires
La fiche 1.2. nous informe sur les locaux : « Pour une mobilisation des espaces dans les murs et hors les murs » est prévue pour cela …
On gagne de l’espace, on recherche tous les recoins possibles (gymnase, hall d’entrée, …), on déménage, on désencombre, on demande à utiliser la salle des fêtes, les théâtres, les cinémas, … on s’installera s’il le faut dans les parcs, les jardins, les terrains de sport, … pensez à ajouter dans la liste du matériel tables et chaises de camping …
3 ‘cercles’ : classe/locaux scolaires/ailleurs
On invente, on crée, on imagine, on s’amuse avec des logiciels pour inventer sa classe … que du bonheur … merci Archiclasse

Organisation pédagogique : la fiche 1.3
– En CP et CE1, déjà en effectif réduit, tout va bien … les élèves devront être scolarisé à plein temps
– En fonction des locaux : il pourra être nécessaire de constituer des groupes. On prévoit donc des accueils alternés matin/après-midi ou alors à la journée ou encore 2 jours par semaine. Cela risque d’être facile à expliquer aux parents … et que fait-on si un élève se présente seul alors que son groupe n’est pas accueilli … On rêve, on imagine, on invente, on crée …
– les élèves qui sont pas en classe ? on retransmet le cours, classe à distance avec le CNED ou des documents préparés par l’enseignant, ou alors le miraculeux 2S2C qui prendra en charge les élèves … On invente, on crée, on imagine …
Accompagnement : fiche 1.4
Le directeur, l’IEN, les inspecteurs d’académie, les inspecteurs généraux font des points réguliers … On notera que cela va aider dans les écoles … à part la pression hiérarchique qui stimule toutes les équipes, on le sait.
Les cellules académiques disposent d’un numéro de téléphone pour les aider … Chouette.
On peut éventuellement, si cela est possible, si cela est vraiment nécessaire se faire prêter une machine. Les élèves aussi ? Le ministère a débloqué un crédit exceptionnel (on imagine, on rêve).
On fera attention, nous dit-on, de ne pas surcharger les élèves à distance, en prenant compte du contexte (autonomie, contexte familial). Merci du conseil. “Un dispositif spécifique d’enseignement à distance doit être imaginé” pour les élèves en rupture numérique. Tout est possible : salle dédiée, bibliothèques, … .Imaginons, rêvons, créons, …
Ressources : fiche 1.5
Le Cned, Lumni, le label ‘Nation apprenante’ et Canopé pour la formation. Léger ! Toujours pas d’espace numérique de travail solide et efficace. On continuera à se rabattre sur les gafam ? ou pas … voir http://jcroll.ouvaton.org/en-pature-aux-gafam/

Hypothèse 2

Augmentation de la circulation du virus : on ferme votre école.


Doctrine sanitaire : fiche 2.1 Même chose que la fiche 1.1. Rien de plus … On informe, on compte …

Doctrine pédagogique : fiche 2.2.
Accompagnement : On fait le point (Directeur, IEN, DASEN, IG, …) ; on peut avoir éventuellement des ordinateurs, on ne surcharge pas les familles et les élèves et on on imagine, on crée, on invente … “Un dispositif spécifique d’enseignement à distance doit être imaginé pour les élèves pour lesquels l’enseignement à distance à domicile est totalement ou partiellement impossible via les canaux numériques.” Idem fiche 1.4.
Les ressources : fiche 2.3 : les mêmes que la fiches 1.5 avec des conseils pour l’enseignement hybride (Lumni, ‘Nation apprenante’ des conseils pour les parents, le numérique, l’enseignement synchrone/asynchrone, et … rédaction d’un projet d’établissement intégrant les modalités de concertation et de travail des enseignants, formation … On rêve ?

Continuons à imaginer, inventer, créer … pas d’autres solutions …


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Le ministère se met au vert

Lecture : 5 min.

En juillet, pleines vacances, un décret annonce la modifications des programmes de maternelle, de l’élémentaire du CP à la 6ème … Angoisse des enseignants …

Que se passe-t-il ? Les fondamentaux dont on nous rabâche la priorité ? retrouvera-t-on une priorité sur la grammaire pour laquelle la terminologie vient d’être fixée par le ministère ? sur le lexique et la syntaxe et les enjeux….

Les documents paraissent … On lit, on regarde … on ne comprend pas … pas de changements marquants … Paraissent sur certains blogs, sur les réseaux les modifications puis enfin sur eduscol.education.fr.

À la lecture, et si ce n’était qu’un toilettage écologique suite aux résultats des élections et la progression des Verts ?

Modifications des programmes – juillet 2020

Quelles sont ces modifications ? On en lit les intentions en recherchant quelques mots-clés : développement durable : 24 occurrences ; biodiversité : 17 occurrences ; climat : 12 occurrences.

Exemples au cycle 3 :

En français : aucune modification. Si … si … aucune … j’ai vérifié au moins trois fois. Vraiment !

En Langue vivante : on trouve un nouveau lexique à “posséder” : écohabitat, maisons passives, toits végétalisme, biodiversité …

Ce qui va surement aider nos élèves à produire de l’oral en continu dans une conversation courante …

Extraits programmes Cycle 3 – 2020

Comment dit-on en réponse à Where is Brian ? Brian vit dans une maison passive avec un toit végétalisé dans un éco-quartier? (merci aux collègues anglophones de corriger ma traduction) Brian lives in a passive house with a green roof in an eco-district?

En Arts plastiques :
Ils [les élèves] sont également sensibilisés aux enjeux des matériaux employés, qu’il s’agisse de réemploi, de matériaux transformés par la physique ou la chimie, dégradables ou non.” et plus loin “Les qualités physiques des matériaux : caractéristiques des matériaux (matériaux de récupération, matériaux non transformés, matériaux issus de transformations physiques ou chimiques, biomatériaux)
Essentiel quand on connaît les enjeux de la discipline et en particulier ceux culturels et de l’histoire des Arts.
En Education musicale :
Rien si ce n’est : Décrire et comparer des éléments sonores issus de contextes variés, artistiques ou naturels.” Ah … partir en promenade bucolique avec ses élèves et écouter pour décrire les bruits de la nature ? …
En Histoire des Arts :
Aucune modification … aucune …

En éducation physique et sportive :
Aucune modification … aucune … ah si … : “randonnée pédestre en pleine nature” (en lien avec l’éducation musicale ?) de quoi faire en banlieue parisienne avec la restriction des cars et des sorties en ce moment.

En éducation morale et civique :
C’est là où l’on aperçoit vraiment que la dimension ‘morale’ de la prise de conscience des enjeux climatiques est essentielle pour les rédacteurs des programmes … le bien et le mal, les actes citoyens, … le retour des colibris.

et plus loin on trouve une référence à la La charte de l’environnement de 2004 et l’intention de “développer une conscience civique, y compris dans sa dimension écologique“, puis encore on lit plus loin :
La solidarité individuelle et collective nationale ou internationale (face aux défis environnementaux, aux catastrophes naturelles, aux risques sociaux). La responsabilité de l’individu et du citoyen dans le domaine de la santé, du changement climatique, de la biodiversité et du développement durable.

Histoire :
Les énergies majeures de l’âge industriel (charbon puis pétrole) et les machines , les profonds changements sociaux et environnementaux.” sont proposés comme thèmes. Important, évidemment. Mais ces sujets mériteraient d’être bien plus développés au regard des impacts sur l’écologie et la société que vont avoir ces révolutions industrielles.

Géographie :
On étudie les déplacements dans le cadre du développement durable : la lutte contre la pollution, le recyclage, les moyens de transport.
Léger, non ? La part de l’industrialisation dans l’augmentation du CO2, des gaz à effet de serre, la déforestation, l’élevage, les engrais … mieux vaut leur dire d’être citoyen, de trier leurs déchets, de nettoyer la cour ou leur cité que de questionner les causes du réchauffement climatique.

Sciences :
Matière, mouvement, énergie, information : “Ils sont sensibilisés aux enjeux du changement climatique, de la biodiversité et du développement durable” et après quelques modifications sur le domaine de la matière et du vivant on trouve : “La question de la toxicité de certaines substances pour les milieux naturels peut être abordée.” Enfin, on va pouvoir évoquer du glyphosate et des insecticides utilisés sur les betteraves destructeurs des abeilles.
Le vivant, sa diversité et les fonctions qui le caractérisent : “Les élèves constatent les modifications à différentes échelles de temps dans les peuplements des milieux : les peuplements changent au cours des saisons, l’association des espèces change à l’échelle des temps géologiques.” et surtout : “Mettre en évidence l’interdépendance des différents êtres vivants dans un réseau trophique
Matériaux et objets techniques : on cherche à éduquer au “respect de contraintes notamment environnementales (réduire la consommation d’énergie, utiliser des matériaux recyclables, etc.).” et plus loin “Ils sont sensibilisés à la relation entre les usages d’outils numériques, leur consommation énergétique et les dangers pour la santé de leur usage intensif” Education de colibris encore.
Recyclage, sensibilisation, pas loin de l’éducation morale, non ?
La planète Terre. Les êtres vivants dans leur environnement

Extraits de programmes Cycle 3 2020

Mathématiques :
Aucune modification si ce n’est ce paragraphe introductif …

Des problèmes à inventer concernant donc non plus des baignoires qui se remplissent (trop coûteux en eau, pas bien !!!) mais des douches, des trains plutôt que des voitures, on évitera également l’achat d’objets en plastique dans les situations proposées …

On voit bien quelle mouche a piqué les rédacteurs des programmes, il ne s’agissait que de modifications de surface, une opération esthétique pour plaire … à qui ? une réaction aux élections ?

Pourquoi une modification des programmes seulement pour cela ? Une circulaire présentée à la rentrée, avec des outils et pistes pédagogiques aurait fait l’affaire. Appuyée par les équipes d’encadrement DASEN et IEN, elle aurait été bien plus efficace avec quelques crédits débloqués pour les projets des établissements accompagneraient ces objectifs éducatifs.

On regrettera que même avec cette volonté écologique, certes louable, ils ne proposent que des éléments cosmétiques, rien de profond ni efficace en terme de compréhension des enjeux, voire même ils masquent les causes capitalistes du réchauffement …

L’écologie ne saurait être qu’une leçon de morale.

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Du clé en main …

Lecture : 2 min.

Quand on dit quoi, où et comment faire ?

Eduscol, le ministère et ses services proposent de plus en plus souvent des guides, des séances d’écriture ou de lecture particulièrement détaillées, des outils et des modes d’emplois très précis …

Les enseignants, souvent, sur les réseaux ou dans les groupes d’échanges proposent ou recherchent des supports « clé en main », des outils faciles d’usages …

Lors des formations ou conférences, ces demandes d’outils pratiqués directement utilisables deviennent récurrentes, ce qui peut alors amener les formateurs à utiliser la langue de bois et répondre qu’il vaut mieux les construire ou alors essaient de vendre (littéralement ou pas) des ouvrages. 

Cela m’interroge désormais depuis un moment. Le métier évoluerait-il si rapidement ? Suis-je définitivement atteint par l’âge et nostalgique d’un autre temps ?

J’ai évidemment utilisé, usé et abusé des supports « tout faits », des manuels que je suivais, des programmations d’ouvrages. Il m’est arrivé plus que je ne l’avouerai de venir en classe avec aucune préparation et juste une page que j’ai photocopié le matin après mon café en salle des maîtres. 

Mais, j’ai souvent eu et j’ai encore du mal à faire quand on me dicte où, quand et comment faire. Souvent dans me dire pourquoi d’ailleurs. 

L’image que je me suis construit de notre professionnalité est celle d’un métier de conception et non d’exécutant. 

Les supports du web, les échanges de documents amènent les parents et d’autres à penser que ce métier est facile, que la formation est inutile, qu’il suffit donc de trouver comment « occuper » les élèves. 

Le confinement et l’école à la maison a pu renforcer chez tous cette idée. Les tablettes, les écrans et les logiciels éducatifs participent à ce phénomène. 

Ne laissons pas ce métier se transformer ou être transformé en exécution de taches standardisées. Ne nous laissons pas prolétariser.

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Classe à distance

Lecture : < 1 min.

Dans un futur proche, les professeurs ne donnent cours que devant une salle vide et une simple webcam, retransmettant la leçon sur internet. Un professeur d’histoire va voir son quotidien bousculé quand une élève franchit la porte de sa salle…

AS IT USED TO BE (2013)
Réalisé par Clément Gonzalez.
Produit par le Collectif 109.

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Toi, tu es éloigné du terrain …

Lecture : 3 min.

Ce n’est pas la première fois ; peut-être une de trop. Un collègue : “Toi, maintenant tu es éloigné du terrain.” En général, je simule une surdité soudaine due à mon grand âge et à mon expérience. Mais …

J’entends ces remarques. 
Au-delà même je les partage.

Oui, c’est vrai, je ne suis pas assez sur le terrain alors que c’est ma mission première. Je ne prends pas assez de classes alors que c’est ce que je préfère. Et je ne connais pas leurs élèves, je ne travaille qu’avec leur enseignant et leur école. 
C’est donc, par ces remarques, mon métier même qui est questionné.

Le terrain ?
J’ai enseigné à Saint-Denis, à Villetaneuse et à Epinay. Peu d’écoles en fait. Et si je compte, bien peu de classes. : entre 15 et 20. En effet un terrain limité dans ces premières années. Mais depuis je me suis rattrapé en ce qui concerne l’étendue du terrain, même si je ne travaille que sur une circonscription. 
Chaque année, je travaille avec une trentaine d’enseignants débutants que je vois en classe et en entretien de une à quatre ou cinq fois.

En une année je mets les pieds dans plus de classes que dans toute ma carrière d’instituteur : la question est donc : sur ces terrains multiples que puis-je encore apprendre du métier et de l’École ?
J’observe des praticiens. 
Des enseignants qui enseignent. 
Des élèves qui apprennent.

Des dimensions pédagogiques aux dimensions sociales de l’acte d’enseigner. Des enseignants qui survivent, d’autres qui s’épanouissent, d’autres encore qui résistent. 
Des erreurs didactiques aux chefs-d’œuvre de mise en œuvre pédagogique, des classes où l’élève est au centre, d’autres pour lesquelles le savoir est central, des Maîtres tout-puissants, des maîtres animateurs, des maîtres qui accompagnent, d’autres qui pilotent, … : le terrain est foisonnant.

J’observe.

Observer c’est faire des choix. Alors, je sélectionne avec l’enseignant que j’accompagne quelques pistes de travail et je me garde mes autres observations, mes autres questionnements pour moi, pour que ces terrains continuent à m’alimenter.  
Le terrain c’est mon métier, c’est la matière première de mes actions et de mes réflexions, c’est le matériau de ma construction professionnelle.

“Tu n’as pas pris de classes depuis très longtemps. Les élèves ne sont plus les mêmes.”

Prendre la classe.  
Drôle d’expression.

Je crois que je préfère me laisser prendre par des élèves. Me laisser surprendre. 
C’est ce que j’ai toujours apprécié dans ce métier. Des enfants curieux, qui se questionnent, qui remettent en question, qui surmontent des obstacles,

Alors je me laisse encore le droit, le devoir, de me laisser surprendre par des classes. Je leur propose des situations complexes parce que le monde est complexe et que le tout est bien plus que la somme des parties aussi simples soient-elles. 
Certains élèves adorent ; ils trouvent alors qu’il y a dans les disciplines du mystère, de la magie et aiment se mettre en danger pour résoudre. D’autres se plient à la situation et travaillent. D’autres, scolaires, ne comprennent pas que ce ne soit pas un exercice. Et enfin, ceux qui me prennent le plus, ce sont ceux qui surpris de leurs pouvoirs de compréhension de la situation, y entrent par tous les moyens et, opiniâtres, ne lâcheront pas ; ce sont souvent des élèves que l’on a pu dire en difficulté.

Ces enfants, ce ne sont pas les mêmes que ceux de mes classes. Heureusement, ils sont tous différents et effectivement ils sur-prennent. 
Et moi je prends encore et toujours plaisir à sur-prendre des classes, certes, pas assez à mon goût.

Oui, je suis et reste un maître d’école, un instit’, je revendique ce métier.